Quantcast
Channel: ReliefWeb Updates
Viewing all articles
Browse latest Browse all 23095

Haiti: L’accès à l’eau potable, un casse-tête pour les familles de Port-au-Prince

$
0
0
Source: UN Stabilization Mission in Haiti
Country: Haiti

Dans la capitale haïtienne, et plus particulièrement dans les quartiers les plus pauvres, l’accès à l’eau est souvent difficile. Dans les hauteurs de la métropole, l’eau est parfois même rare. Ce qui pousse les ménages à faire de difficiles sacrifices économiques pour s’en procurer.

« Là haut, nous n’avons pas accès à l’eau alors que dans certains quartiers plus bas, l’eau est tout simplement gaspillée. Même si on en trouve, il est difficile de la transporter car la pente est trop raide à remonter lorsqu’on a un récipient sur la tête ou dans les bras », raconte Marissa. Cette mère de famille d’une cinquantaine d’années habite dans le quartier en escaliers de Carrefour-Feuilles qui surplombe le Sud-est de Port-au-Prince.

Alors pour faire plus vite et parer aux besoins de la famille, elle achète 15 litres d’eau de pluie à 10 Gourdes (25 centimes de dollars US) à ses voisins qui en ont constitué une réserve.

Pour elle, parler de difficultés pour avoir de l’eau, c’est peu dire.

« C’est un calvaire ! », lâche-t-elle. Les enfants prennent leur bain dans une fontaine publique à 100 mètres de la maison. Et c’est aussi eux qui ramènent l’eau dont elle se sert pour l’usage domestique, et aussi pour la consommation après qu’elle l’ait traitée au chlore.

Plus loin, dans le quartier de Diègue en pleine expansion démographique, dans les environs de Pétion-Ville, Daphné Paulin explique qu’elle débourse entre 500 et 750 Gourdes (jusqu’à 18 dollars US) chaque mois pour se procurer de l’eau traitée.

Sur un salaire d’employée à mi-temps inférieur à 6 000 Gourdes par mois (moins de 150 dollars US), cette mère de quatre enfants prélève 1 600 Gourdes (près de 40 dollars US), uniquement pour l’eau.

« On joint difficilement les deux bouts », soupire-t-elle.

Daphnée essaie d’arrondir ses fins de mois en vendant des articles féminins mais les prix sont jugés trop élevés pour une population au faible pouvoir d’achat, dit-elle.

Ces cas illustrent la situation de nombreuses familles modestes de Port-au-Prince, comme dans ces myriades de nouveaux quartiers spontanés qui hébergent la moitié de la population de la capitale haïtienne (soit plus d’un million d’habitants).

Là, les nouveaux installés n’ont pas accès à l’eau distribuée par le réseau du Centre technique d’exploitation de la région métropolitaine de Port-au-Prince (CTE), coiffé par la Direction nationale de l’eau potable et de l’assainissement (DINEPA).

Mais le problème n’est pas nouveau. En effet, Corinne Cathala, spécialiste de l’eau à la Banque interaméricaine de développement (BID), explique que bien avant le tremblement de terre de janvier 2010, le taux de couverture à Port-au-Prince – environ 5% des ménages desservis en eau potable – et la qualité du service offert par le prédécesseur de la CTE, la Centrale autonome métropolitaine d’eau potable (CAMEP), étaient « très en deçà des standards internationaux » à cause de « défaillances considérables dans le système d’adduction d’eau public ».

Profiter d’une assistance pour se renforcer

images 1eauL’accroissement rapide de la population dans la capitale et l’absence de fonds pour financer certains projets constituent deux obstacles majeurs qui compliquent le travail de la DINEPA, une entité publique autonome, confrontée à toujours plus de demande en eau.

En effet, cette population, estimée à 13 000 en 1950 est passée au-dessus de la barre de 2,3 millions d’habitants en 2013 d’après les dernières données de l’Institut haïtien de statistique et d’informatique (IHSI).

Or, selon l’ingénieur Raphael Hosty, qui dirige l’Office régional de la DINEPA pour le département de l’Ouest incluant Port-au-Prince (OREPA), les besoins journaliers en eau des habitants de la capitale avoisineraient les 300 000 m3 alors que le CTE ne produit que 160 000 m3 (1 m³ = 1000.000 litres).

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) situe les besoins journaliers en eau entre 20 à 50 litres, soit entre 0,02 et 0,05 m3, pour la boisson et l’hygiène individuelle.

Dans le but de résoudre ces problèmes, la DINEPA s’est doté d’un « plan directeur » de l’eau potable devant permettre non seulement la réhabilitation des services d’eau potable et d’assainissement mais également d’étendre le service d’eau potable de la région métropolitaine.

Un plan élaboré avec la collaboration d’une firme internationale suite à la signature, en avril 2011, d’un contrat de trois ans en vue d’une Assistance Technique Opérationnelle (ATO) au CTE qui en a profité pour mettre en place un laboratoire de contrôle de qualité de l’eau.

Résultats encourageants, pas d’autonomie financière

Financé par la Banque interaméricaine de développement (BID) et l’Agence espagnole de coopération internationale pour le développement (AECID), le projet et le contrat d’assistance ont permis au CTE de renforcer ses compétences « pour devenir une entité efficace capable de fournir les services d’eau potable et d’assainissement à la population de manière durable », estime Mme Cathala.

Elle qualifie les résultats obtenus jusqu’ici d’ « encourageants dans tous les domaines de l’exploitation ».

La spécialiste de l’eau cite en exemple le nombre d’heures moyen de distribution d’eau par semaine qui est passé de 13 à 28 heures entre 2011 et 2013.

images eauSur le plan commercial, les recettes mensuelles moyennes du fournisseur public ont enregistré une hausse de 35% entre avril 2011 et juin 2013, avec 37 500 abonnés actifs en 2013 contre 31 000 en 2011.

« Nous avons du travail à faire », concède quand même Mme Cathala, qui estime que l’entreprise publique, pour être rentable, devrait « prochainement » augmenter ses tarifs, inchangés depuis 2003.Mais, pendant ce temps, près de la moitié de la population de la région métropolitaine, soit près d’ 1,5 millions s’approvisionne à partir de kiosques. Ils sont obligés d’y remplir des bouteilles ou des « boquites » (récipients de 20 litres) qu’ils paient à 2 Gourdes, alors que les plus démunis recueillent un peu d’eau au prix de bousculades, parfois à partir de connexions artisanales provenant de tuyaux vétustes.

Si elle connait des avancées, la lutte pour l’eau en milieu urbain est loin d’être gagnée…

Pierre Jérôme Richard


Viewing all articles
Browse latest Browse all 23095

Trending Articles



<script src="https://jsc.adskeeper.com/r/s/rssing.com.1596347.js" async> </script>